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Δευτέρα 23 Οκτωβρίου 2023

Paul Éluard: La poésie de combat

 



par Marianthi Bella

 

Les événements historiques ont exercé une grande influence sur l’inspiration poétique de Paul Éluard. Mobilisé pendant la guerre de 1914, témoin de la guerre d’Espagne, Éluard incarne la figure du poète résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, avec le célèbre poème, Liberté, qui est devenu le symbole de la poésie de combat.

D’abord, le poète a été profondément marqué par la Première Guerre mondiale (1914-1918). Le défaitisme qui prédominait en Europe, après la guerre, l’a poussé à contester toutes les valeurs traditionnelles reconnues par le monde moderne et à participer au mouvement Dada (1920) de Tristan Tzara, qui proclamait un nihilisme absolu. En 1922, il a adhéré au mouvement surréaliste qui lui proposait un moyen de connaissance ouvert sur l’inconscient et un mode de rénovation du langage poétique. C’était la période de l’écriture automatique et des collages qui allait révolutionner l’art moderne. Ensuite, la guerre coloniale du Maroc l’a déterminé à s’inscrire au parti communiste, d’ où il a été exclu quelques années plus tard, en 1933.

Dans les recueils de cette période Capitale de la douleur (1926), L’Amour La poésie (1929), La Vie Immédiate (1932), le poète confond le réel et le surréel, le rêve et la vie. En fait, sa poésie illustre la remarque de Breton, selon laquelle, surréalité et réalité sont des vases communicants. Le thème prédominant de la poésie éluardienne de cette période, c’est l’amour qui est plus qu’une relation sentimentale entre individus. C’est un principe de recréation du monde, de connaissance universelle. Personne mieux qu’Éluard, n’a associé l’expérience amoureuse à l’expérience poétique. Il s'agit de la période proprement surréaliste d’Éluard, qui se clôt en 1934 avec La Rose Publique.

Les années 1936-1937 confirment l’orientation nouvelle de sa pensée et de son inspiration. Les voyages, les événements politiques et la montée du péril fasciste en Europe l’amènent à des prises de position plus conscientes sur le rôle du poète parmi les hommes. Alors, une nouvelle période poétique commence pour lui avec Les yeux fertiles (1936), où il essaie d’exprimer la réalité concrète du monde. De plus en plus la production poétique et l’engagement politique s’associent dans son existence. En 1936, il est appelé à faire une tournée de conférences en Espagne à l’occasion d’une rétrospective Picasso. Or, en juillet 1936, la guerre civile a commencé en Espagne, Lorca a été fusillé à Grenade et la ville de Guernica a été détruite par un bombardement aérien, en avril 1937.

Ces événements marquent profondément le poète, qui ressent la nécessité de s’adresser à ses contemporains, de les réveiller, de leur parler en face. Alors, il écrit des poèmes de protestation contre la violence, comme Novembre 1936 et La Victoire de Guernica, où il donne quelques faces de l’horreur de la ville bombardée.

 

                                 Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges

                                 Dans les yeux

                                 Chacun montre son sang

 

                                 La peur et le courage de vivre et de mourir

                                 La mort si difficile et si facile    

                        

En 1936, à l’exposition internationale du surréalisme à Londres, il donne une conférence sur la poésie, qui va devenir le texte L’évidence poétique où il écrit: «Le temps est venu où tous les poètes ont le droit et le devoir de soutenir qu’ils sont profondément enfoncés dans la vie des autres hommes, dans la vie commune…». Un peu plus tard, dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme (1938), il soutient: «Il nous faut peu de mots pour exprimer l’essentiel, il nous faut tous les mots pour le rendre réel…». Les recueils de cette période Cours naturel (1938) et Donner à voir (1939) marquent une évolution de la poésie du rêve et de la fiction, à la poésie du réel et de l’humain.

La Seconde Guerre mondiale et l’occupation du territoire français par les allemands le mobilisent à nouveau. Alors, il s’engage plus activement et plus violemment dans la lutte pour la liberté et la dignité humaine. Sa poésie devient un instrument de combat en prenant des formes plus populaires et plus faciles. Son langage est simple, précis et accessible, ses images sont claires. 

 

                                         Il y a des mots qui font vivre

                                        Et se sont des mots innocents

                                        Le mot chaleur  le mot confiance

                                       Amour justice et le mot liberté  

                                  

Mais, contrairement à Aragon, son art ne rejette pas l’esprit du surréalisme, car l’imaginaire, la transparence et la fluidité y sont toujours présents. Son recueil au titre Poésie et vérité 1942 contient le poème Liberté qui est un des chefs-d’œuvre de la poésie de la Résistance. Dans ce poème, la liberté se confond avec ses joies les plus simples, avec l'air qu'il respire, avec son coeur qui bat, en un mot, avec sa vie même. Elle est à la fois sa plus grande passion et sa plus douce habitude. L’apparition du thème au dernier vers seulement fait que le lecteur se demande s’il s’agit d’un poème d’amour ou d’un poème patriotique. En fait, les deux inspirations ne s’opposent jamais chez Éluard. L’amour de la femme et l’amour de l’humanité souffrante sont conciliés admirablement.

 

                                         Sur la jungle et le désert

                                         Sur les nids sur les genêts

                                         Sur l’écho de mon enfance

                                         J’écris ton nom

                                 

                                     …Je suis né pour te connaître

                                         Pour te nommer

                                         Liberté

 

Dans le même recueil, le célèbre poème Couvre-feu décrit la réalité dure de l’occupation allemande, le manque de liberté, l’absence de résistance et d'espoir. Cependant, l’amour d’un couple dans la nuit parisienne devient une action antimilitariste et le refus du désespoir.

 

                                Que voulez vous la porte était gardée

                                Que voulez-vous nous étions enfermés

                                Que voulez-vous la rue était barrée

                                Que voulez-vous la ville était matée

 

                            …Que voulez-vous nous nous sommes aimés 

 

C’est en 1942 que les avions de RAF parachutent au-dessus des maquisards des milliers d’exemplaires de  Poésie et vérité 1942. Ce recueil rend Éluard plus populaire que tous ses recueils surréalistes. À cette époque le poète adhère à nouveau dans le parti communiste français, officiellement interdit, et participe au développement des Éditions clandestines de Minuit et à la fondation du Comité des écrivains en zone occupée. En 1943, dans Les Sept poèmes d’amour en guerre s’exhalent des sentiments que le poète partage avec le peuple français: la colère, l’indignation, l’espérance. Cependant,  l’amour reste toujours la source de son dynamisme et le foyer du cœur.

 

                                        Il nous faut drainer la colère

                                       Et faire se lever le fer

                                       Pour préserver l’image haute

                                       Des innocents partout traqués

                                       Et qui partout vont triompher

 

Éluard fait la guerre contre la guerre, mais sa guerre ne conduit pas à la servitude, elle conduit à la liberté. En 1944, il publie le recueil Au Rendez-vous allemand qui est le grand chant funèbre des otages et des fusillées. Avec ses poèmes, il essaie d’aider l’âme française à se ressaisir et de répandre l’image d’un monde juste et fraternel. Le poème Gabriel Péri est dédié à un martyr de la Résistance, fusillé par les Allemands en 1941, qui écrivait, avant d’être exécuté: «Je vais tout à l’ heure préparer des lendemains qui chantent». Dans les derniers vers de ce poème, Éluard emploie l’impératif «tutoyons-le», «tutoyons-nous», qui appelle à une communion qui prend des dimensions universelles.

 

                                    Péri est mort pour ce qui nous fait vivre

                                    Tutoyons-le sa poitrine est trouée

                                    Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux

                                    Tutoyons-nous son espoir est vivant

 

Après la Libération, Éluard est devenu poète national et glorieux et a reçu la Médaille de la Résistance. Au milieu de ses activités politiques de cette époque, il a continué à écrire des poèmes engagés mais dans un esprit humaniste. Ainsi, le poème Tout est sauvé, qui appartient au recueil Une leçon de morale (1949), commence par la description de toutes les catastrophes qui s’abattent sur le monde et provoquent un pessimisme total: «Je suis né pour mourir et tout meurt avec moi», «Tout est détruit». Mais à la suite, brusquement le poète renverse les perspectives:

 

                                  Rien n’est détruit tout est sauvé nous le voulons

                                  Nous sommes au futur nous sommes la promesse

                                  Voici demain qui règne aujourd’hui sur la terre

 

Comme intellectuel, Éluard a poursuivi le combat de la confiance en l’humanité en faisant de nombreux voyages dans les pays éprouvés par la guerre (Italie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie). Ainsi, en 1949, il a visité la Grèce et a parcouru les montagnes macedoniennes de Grammos et de Vitsi, où il  est resté quelques jours auprès des partisans grecs, «les héros de l’idéal le plus juste», qui poursuivaient le combat pour un régime démocratique. Et jamais la jeunesse d'Éluard n'a pu paraître plus grande que quand il décrivait celle de ces garcons et de ces filles dansant, le fusil au dos, dans la nuit claire, autour d'un feu de camp qui symbolisait la flamme de leur liberté. Cette noblesse de la Grèce en lutte, qui est aussi celle de la Grèce éternelle, il l'a chantée dans les Poèmes politiques (Athéna, La Grèce en tête). Mais aussi il l'a celebrée mieux encore dans Une leçon de morale où la merveilleuse suite de poèmes, Grèce ma rose de raison.                         

 

                                     Mille morts ce pays a subi, mille morts

                                     Et son cœur plein d’amour

                                     A trop souvent battu dans un corset de fer

 

Paul Éluard n’a jamais cessé de se battre pour une juste cause et de célébrer les valeurs qui étaient toujours ses raisons de vivre, sans rejeter l’esprit et la forme du surréalisme dont l’esthétique correspond à sa vision poétique du monde.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Éluard Paul, Œuvres complètes (1913-1953), édition établie par Marcelle Dumas et Lucien Scheler, éditions Gallimard (collection «Bibliothèque de la Pléiade»), Paris 1977.

 

Parrot Louis et Marcenac Jean, Paul Éluard, éditions Seghers (collection «Poètes d’aujourd’hui»), Paris 1979.

 

Raymond Jean, Éluard, éditions du Seuil (collection «Écrivains de toujours»),  Paris 1995.

 

Tsatsacou-Papadopoulou Athanasia, «Paul Eluard: Le rêve, la vie», Bulletin scientifique de la Faculté des Lettres, tome 14, Universtité Aristote de Thessalonique, Thessalonique 1975, p. 95-115.

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