Σελίδες

Δευτέρα 23 Οκτωβρίου 2023

Alexandre Delmouzos : L’aventure de la pédagogie avant-gardiste en Grèce

 



 

Marianthi Bella - Kostas Therianos      

                                                                       

 

La jeunesse et les premières influences

Delmouzos voit le jour le 31 décembre 1880 à Amfissa dans une famille aisée, nombreuse et unie et passe une enfance si heureuse dont il se souvient avec émotion tout au long de sa vie. Il fait des études primaires et secondaires dans sa ville natale et à seize ans il s’installe à Athènes et s’inscrit à la Faculté des Lettres. Déçu de la qualité de ses études « mal organisées et sans but », il suit les cours sans s’y intéresser vivement, mais il devient adepte de la langue parlée (démotique)[1] et adhère au courant du « Démoticisme éducatif » qui lutte pour la réforme de l’école par l’introduction de l’enseignement de la langue démotique et le changement de l’orientation des programmes et des méthodes. Durant la même période, il est profondément influencé par le livre de Photis Photiadis La question de la langue et notre renaissance éducative (1902) qui pose le problème éducatif et linguistique et exerce une critique aiguë à la politique éducative et à la façon dont l’école fonctionne[2]

Après avoir obtenu son diplôme, il part en Allemagne pour faire des études post-universitaires. Il va d’abord à l’université de Leibniz (1905) où il étudie une nouvelle science, la psychologie physiologique de Wundt. Cependant, il ne fait pas d’études systématiques car il affronte de grandes difficultés que lui-même attribue à sa fatigue intellectuelle due « au chargement tyrannique » de l’université grecque et au manque « d’une formation supérieure solide ». Ensuite, il suit des cours de pédagogie à l’université d’Iéna (1906-1907) où domine le disciple d’Herbart W. Rein qui a élaboré et amélioré la méthode herbartienne, déjà connue et appliquée en Grèce. C’est à Iéna que Delmouzos fait la connaissance de Georges Skliros (premier sociologue grec et historien de l’école marxiste) dont il subit l’influence. Pendant leurs conversations Skliros l’introduit à la conception matérialiste de l’histoire selon laquelle les événements historiques sont la résultante des conditions économiques et sociales, en particulier des rapports entre les classes sociales. Le livre de Skliros Notre affaire sociale est pour Delmouzos « une révélation », un nouveau regard pour l’analyse et l’explication de l’histoire grecque ancienne et moderne. Mais, étant toujours idéaliste et humaniste, il va, quelque temps après, contester les principes de Skliros et exprimer son opposition à la théorie et à la pratique du marxisme. « Comme je continuais à faire des études plus spéciales, je voyais que l’école constituait l’unique levier pour le développement d’une nouvelle génération et d’un nouveau pays. Cette conviction a commencé à affaiblir quand j’ai connu Skliros en Allemagne qui me poussait à considérer l’éducation comme une annexe, un élément composant qui suit l’évolution sociale en boitant, sans jamais précéder. Mais, après le premier enthousiasme, enrichi par les nouvelles idées mais lucide, je voyais que l’école, malgré sa liaison étroite avec les conditions sociales, est un facteur élémentaire pour le progrès d’un pays » (Delmouzos, 1952: 443). Avant de rentrer en Grèce, il voyage à Constantinople pour connaître l’auteur Photiadis dont le livre lui a permis de prendre conscience de la nécessité d’une éducation purement « nationale et humaniste » reposant sur la réalité néohellénique moderne, la langue démotique et la tradition vivante du peuple. Il rentre à Athènes en mars 1907 et publie dans le journal Acropolis ses premiers articles sur la valeur éducative de la langue démotique  (Papanoutsos, 19842: 32-36, 39-40).  

 

L’École Municipale Supérieure de Jeunes Filles de Volos (1908-1911)

De son retour en Grèce, Delmouzos fait la connaissance du médecin D. Saratsis qui le persuade d’entreprendre la direction d’une école privée d’enseignement secondaire de jeunes filles à Volos. En septembre 1908, Saratsis a proposé et le conseil municipal de la ville a approuvé la fondation de cette école, afin de satisfaire les besoins d’instruction des jeunes filles, issues des familles bourgeoises, à une époque où il n’existait pas d’écoles publiques secondaires féminines. L’école comprend seulement trois classes et a pour but de donner à ses élèves une instruction « supérieure » à celle de l’école primaire. Delmouzos travaille avec dévouement et enthousiasme et inaugure une nouvelle pédagogie qui est, d’ailleurs, liée aux propositions de réforme que « L’Association pour l’Enseignement » (Εκπαιδευτικός Όμιλος)[3] est en train d’élaborer. L’enseignement commence par la réalité néohellénique moderne « parce que seulement celle-ci pouvait être la base pour l’instruction de nos enfants. C’est-à-dire leur âme, leur vie que l’école primaire n’a ni examinée, ni explorée mais le pire: elle l’a totalement méprisée. C’est celle-ci qui offrait le matériel vivant de l’enseignement qui susciterait aussitôt leur intérêt » (Delmouzos, 1950: 30). En effet, le programme des cours est novateur en le comparant avec les programmes datant de la même époque et reflète les idéaux bourgeois concernant l’enseignement (la transmission des connaissances utiles, substantielles, positives et l’apprentissage de la vie sociale). Les heures d’enseignement du grec ancien sont limitées (les textes des auteurs anciens sont enseignés par des traductions) et l’accent est mis sur l’enseignement des langues vivantes (la démotique et le français), de la littérature grecque moderne et des sciences naturelles. Le programme attache une importance égale à des matières techniques et pratiques telles que le jardinage, la broderie, la couture, l’hygiène, la propreté de la maison visant à la préparation des jeunes filles pour leurs futurs devoirs domestiques et familiaux. Delmouzos enseigne lui-même les matières principales et s’efforce de cultiver l’initiative de ses élèves dans leurs apprentissages, développer leur esprit critique, favoriser la discussion ouverte et leur expression vive et précise en langue démotique. En outre, dans le but de faciliter leur contact avec la nature tout en stimulant leurs forces psychiques et corporelles, il organise des promenades et des activités diverses en plein air  (Charitos, 1989).

Cependant, les conflits politiques et idéologiques de cette période pour la question de la langue placent l’activité pédagogique de Delmouzos dans le centre des événements. Les innovations mises en œuvre à l’école de Volos provoquent la vive réaction des partisans de la catharévoussa et de l’éducation traditionnelle qui trouvent un terrain d’expression dans le journal local conservateur «Héraut» (Κήρυξ). Delmouzos et les responsables de l’école sont accusés d’athéisme et d’immoralité et par la suite une manifestation populaire est organisée pour la suppression immédiate de l’école pendant laquelle l’établissement scolaire et la maison de Delmouzos sont attaqués. Ces événements, appelés «Athéiques de Volos» (Αθεϊκά του Βόλου), entraînent la fermeture de l’école (le 2 mars 1911) et les déboires juridiques du directeur et du personnel enseignant. Ils aboutissent au procès de Nauplie (1914) qui reconnaît enfin leur innocence (Charitos, 1989).

L’école de Volos est une école-modèle, indépendante de l’église et de l’état, où des réformes sont apportées dans le coeur du plus grand problème du système éducatif grec, l’enseignement de jeunes filles. Son fonctionnement constitue une étape considérable dans l’histoire de l’éducation néohellénique.   

 

Les efforts pour la réforme de l’éducation (1912-1920)

La victoire du parti libéral de Venizélos aux élections de 1910 marque un tournant important dans la vie sociale, politique, économique et culturelle du pays. Les gouvernements venizélistes procèdent à une série de réformes pour le redressement et la modernisation de la Grèce qui renforcent, d’ailleurs, leur rivalité avec les éléments conservateurs de la classe dominante, les royalistes et les groupes sociaux menacés par les changements apportés. Au cours de cette période, Delmouzos se lie d’amitié et collabore avec deux cadres de l’Association, le pédagogue réformateur D. Glinos et le linguiste défenseur de la langue démotique M. Triantaphyllidis. Les trois hommes, appelés « triumvirat de la réforme » jouent un rôle très actif dans les débats sur l’éducation et participent à tous les efforts entrepris par les gouvernements libéraux pour le renouvellement du système éducatif.

En 1912, l’Association adresse au ministère de l’Éducation un mémoire avec ses propositions pour la réforme des programmes de l’école primaire, de l’école secondaire des jeunes filles et de l’école normale d’enseignement primaire des jeunes filles. Delmouzos rédige le chapitre concernant l’enseignement de jeunes filles où il expose presque tout le programme de l’école de Volos. En 1913, il participe à l’élaboration des projets de loi du ministre de l’Éducation J. Tsirimokos qui reflètent l’idée purement bourgeoise de la transformation de l’école en facteur du progrès économique et de son orientation vers la réalité moderne. Néanmoins, ces projets de loi ne sont pas votés par le parlement à cause de la réaction d’une partie conservatrice de la société, mais finalement quelques mesures innovatrices sont prises, notamment pour l’école primaire. En 1916, un « Comité de l’éducation », composé de Glinos, Delmouzos et Triantaphyllidis, est créé dans le but de poursuivre et organiser les efforts pour le renouveau éducatif. Pendant la période 1917-1920, le gouvernement venizéliste réalise une réforme de l’enseignement qui d’une part vise à la réorganisation de l’école et d’autre part tend à l’adoption de la langue démotique tout au moins à l’école primaire qui constitue la base du système éducatif[4]. Le « triumvirat de la réforme » entreprend des tâches au sommet de l’hiérarchie éducative: Glinos est nommé Secrétaire général du ministère de l’Éducation, Delmouzos et Triantaphyllidis inspecteurs en chef du primaire, responsables pour la mise en œuvre des mesures réformatrices et l’inspection de tout l’enseignement primaire. Par ces postes supérieurs, ils organisent des colloques et des séminaires pédagogiques dans toutes les villes afin de convaincre les enseignants pour la nécessité et l’urgence des réformes, les préparer à enseigner la langue démotique et la littérature grecque moderne et les initier aux principes du courant de l’Éducation Nouvelle et aux théories sociologiques modernes. Pourtant, la réforme suscite une violente réaction née d’une double origine. En premier lieu, le parti royaliste la combat parce qu’elle est créée par le parti libéral et apporte un esprit démocratique dans l’école. En second lieu, la réforme se heurte à l’opposition des humanistes conservateurs, partisans de la catharévoussa, qui ne peuvent pas comprendre la nécessité de l’adaptation de l’école aux besoins de la société et accusent les réformateurs de diffusion des idées bolcheviques (Glinos & Kougeas, 1927: 161-165· Fragoudaki, 19864: 27-34).   

La défaite de Venizélos aux élections de Novembre 1920 et l’accession des royalistes au pouvoir marquent le revirement de la politique éducative. Bien entendu, le lendemain des élections les agents de la réforme (Delmouzos, Glinos, Triantaphyllidis) abdiquent de leurs postes au ministère de l’Éducation. Dans un climat de fanatisme politique et idéologique les conservateurs imposent le rejet de la langue démotique, la suppression des livres de la réforme et leur remplacement immédiat par ceux approuvés par l’état avant 1917. Delmouzos, déçu de l’interruption soudaine et inattendue de son travail réformateur, quitte la Grèce et va pour deux ans à Munich (1921-1923) afin de continuer ses études. C’est au cours de son deuxième séjour en Allemagne qu’il subit l’influence du courant pédagogique de l’École du travail et réfléchit sur le caractère et les moyens d’une nouvelle tentative de réforme éducative (Noutsos, 1991: 54).  

 

Les événements de l’École normale d’enseignement primaire Marasleios

Après les désastres en Asie Mineure (septembre 1922), le gouvernement révolutionnaire renverse le régime monarchique et exile le roi Constantin. Alors, les libéraux reviennent au pouvoir et la politique éducative passe à nouveau entre les mains des rénovateurs qui remettent en vigueur toutes les lois de la réforme de 1917-1920[5].

Delmouzos rentre en Grèce en mars 1923 et reprend le poste de l’inspecteur en chef du primaire avec Triantaphyllidis, alors que Glinos devient conseiller pédagogique du ministère de l’Éducation. Ils commencent alors, tous ensemble, un nouvel effort pour la modernisation de l’éducation. Après l’expérience récente du renversement de leur œuvre réformatrice, ils sont convaincus que la réforme ne peut être réalisée par une simple mise en œuvre des réglementations législatives mais, il est absolument nécessaire d’éclairer les enseignants, de leur inspirer une autre mentalité éducative, les initier aux principes du « Démoticisme éducatif » pour qu’ils embrassent avec enthousiasme la réforme et la soutiennent dans les écoles (Fragoudaki 1986: 72).  

En 1923, Delmouzos est nommé directeur de l’école normale d’enseignement primaire à l’édifice Marasleios  « pour former des individus vivants meilleurs que ceux de notre génération et pour créer, au fil du temps, une école basée sur la réalité moderne, sur notre vie. La langue démotique est une condition indispensable pour toute activité instructive … » (Dimaras 20033: 138). Par son nouveau poste, il travaille avec méthode et persévérance et parvient à apporter un nouvel esprit, des méthodes d’enseignement novatrices et particulièrement une nouvelle conception pour la vie de l’école en mettant en pratique l’institution de la coopérative scolaire. Il collabore étroitement avec Glinos, directeur de l’Académie Pédagogique, à laquelle « Marasleios » est attachée comme école normale expérimentale[6].

Cependant, la crise sociale et politique de cette période influence profondément le travail créatif de Delmouzos. Un peu avant la dictature de Pangalos (1925) un grand scandale éclate, connu sous le nom d’« événements de Marasleios », qui suscite un grand nombre de dénonciations, de rapports, d’interrogatoires et de poursuites judiciaires. Delmouzos est accusé de suppression du cours de morale, de diffusion des théories matérialistes pendant le cours d’histoire, d’immoralité, d’enseignement dangereux, antipatriotique et antireligieux. Alors, il est écarté de la direction de l’école normale (1926) et pour une fois encore une œuvre de grande importance éducative et nationale est interrompue. Cette affaire s’achève en 1926, par l’arrêt du conseiller à la cour de cassation G. Antonakakis[7] qui innocente et réhabilite définitivement Delmouzos (Dimaras 20033: 145-147· Fragoudaki 19864: 72-73).

En mars 1927, Delmouzos se heurte à son vieil ami et collaborateur Glinos pour le but et le caractère de l’ « Association pour l’enseignement ». Dans les dernières assemblées générales de l’Association (février-mars 1927), il défend sa neutralité politique, le caractère national de l’école qui doit être placée en dehors et au-dessus des partis politiques et s’oppose à l’orientation socialiste que prend l’Association sous l’influence des socialistes. Étant le chef de la minorité il s’en retire et cela entraîne la disjonction et enfin à la dissolution de l’Association historique (Noutsos, 1990: 213-228).

 

L’activité universitaire

            En 1928, Delmouzos est élu professeur de pédagogie à la Faculté des lettres de la nouvelle université de Thessaloniki  et se consacre avec enthousiasme à son travail éducatif. Parallèlement, il entreprend la surveillance de l’école expérimentale de l’université dans laquelle il essaie d’introduire les principes de l’École du travail. Un peu plus tard, il soutient activement les réformes éducatives des gouvernements libéraux (1929-1932) qui mènent au changement des programmes scolaires, en vigueur depuis 1836, et instituent la structure 6+6 (primaire + secondaire).

Après le putsch de 1935, il est renvoyé provisoirement mais par la suite il est nommé de nouveau professeur de l’université (février 1936). Pendant la dictature de Metaxas, instaurée en 1936, il défend avec courage le mouvement démoticiste et la réforme éducative de 1929 attaqués par le ministre de l’Éducation K. Georgacopoulos. Finalement, en septembre 1937, il soumet sa démission parce que dans ces conditions, il lui est impossible de continuer son travail à l’université (Noutsos, 1991: 55).  

 

Les dernières années

De 1937 jusqu’à sa mort en 1956, Delmouzos n’arrête pas de poursuivre la politique éducative, de publier des articles à la presse et des livres, de donner des conférences, de s’intéresser à des institutions telles que la Croix Rouge, la Fondation des bourses de l’état (IKY), l’Union chrétienne des jeunes filles (XEN). Certes, il ne refuse pas de donner des conseils sur des questions concernant l’éducation aux hommes de pouvoir et se prononce toujours pour une politique éducative au-dessus des partis politiques et pour la neutralité politique de l’école. Ces positions le conduisent à des attaques violentes contre la Gauche, notamment après la libération (1944) (Papanoutsos, 19842: 120-127).

Il nous a laissé plusieurs écrits, dans lesquels il analyse ses principes et expose ses réalisations pédagogiques, dont les plus importants sont: Vers la renaissance éducative (Bulletin de l’Association pour l’Enseignement, 1917-1919), Marasleios et Vie (1925), Démoticisme et Éducation (1926), Les premiers efforts à Marasleios (1930), Le problème de la Faculté des Lettres (1944), Éducation et Parti (1944), Photis Photiadis et son œuvre éducatrice (1947), L’école cachée (1950).

 

La pédagogie de Delmouzos

Pour pouvoir comprendre et expliquer l’activité et l’œuvre pédagogique de Delmouzos, il faut les séparer, toutes les deux, en trois périodes. La première commence le moment où il adhère au mouvement démoticiste sous l’influence des idées de Ph. Photiadis et arrive presque jusqu’en 1922. Durant ces années, il pense qu’il est nécessaire que l’éducation soit basée sur la réalité néohellénique moderne. D’après lui, le terme « réalité » signifie : a) le monde moderne linguistique, historique et littéraire formé par la nation tout entière pendant son évolution historique b) le monde naturel qui, excepté les éléments qui sont communs dans tous les pays du monde, a des caractéristiques et des qualités particuliers c) la société moderne avec ses besoins et sa psychologie, formés par des facteurs historiques, climatologiques, géographiques et d’autres et d) l’individu qui vit dans cette société et, spécialement pour l’école, l’enfant grec avec sa propre psychologie et son propre caractère. La réalisation de ce projet, qui exprime, par ailleurs, le programme et l’idéologie du « Démoticisme éducatif », est mise en oeuvre d’abord dans l’école de Volos. Cependant, elle présuppose notamment un « travail positif » dans l’état grec. Le chemin vers la « renaissance éducative » passe par l’état, pour que la « question de la langue », qui constitue la racine du mal, soit résolue. Delmouzos travaille, par le poste de l’Inspecteur en chef du primaire, d’une manière intensive pour cette nouvelle idéologie et philosophie.

La deuxième période commence avec son séjour à Munich (1921-23) et se prolonge jusqu’à la disjonction de l’ « Association pour l’enseignement » (1927). Dans ses lettres inédites adressées à Glinos, Delmouzos avoue que l’imposition de la réforme « éduco-linguistique » de 1917-20 par l’état s’oppose à l’idée de la morale. Il estime donc que cette réforme doit être appliquée seulement dans une ou deux écoles pour donner des résultats. De son retour en Grèce, il se consacre de tout son cœur «à l’activité scolaire directe et à l’enfant ». À l’école normale d’enseignement primaire « Marasleios » il met en œuvre les principes pédagogiques de l’École du travail et parallèlement lance l’idée d’une éducation nationale placée au-dessus des partis politiques. Son livre « Démoticisme et Éducation » (1926) annonce son désaccord définitif avec les socialistes et les communistes dans et hors de l’Association. Pour Delmouzos « une éducation nationale ne signifie pas seulement cultiver d’une manière systématique les éléments vivants et féconds de notre civilisation mais aussi connaître nous-mêmes, connaître notre pays et l’aimer, travailler pour le profit de l’intérêt collectif en visant toujours à atteindre l’humanisme universel. L’Association est une organisation éducative et pas politique. C’est-à-dire elle ne s’intéresse pas, elle ne travaille pas pour un certain parti politique ni pour une certaine classe sociale mais elle s’occupe de l’éducation de l’ensemble social tout entier». Son idéologie pédagogique est alors confirmée par son retirement de l’Association qui prend une orientation politique sous l’influence des socialistes.

La troisième période couvre son activité et son œuvre à partir de sa nomination à l’université de Thessaloniki et va jusqu’à sa mort. Durant ces années, il défend ses idées et élabore des propositions plus précises: « Tous les partis politiques doivent accepter une politique éducative commune, posée au-dessus et au-delà de leurs oppositions ». Mais, c’est notamment à cette période qu’il écrit et publie ses livres importants « Les premiers efforts à Marasleios » (1930) et « L’école cachée » (1950) dans lesquels il présente méthodiquement ses idées et ses principes. Pour Delmouzos, le but ultime de l’éducation est que l’enfant forme un caractère moral et indépendant mais également que l’individu s’élève à un « humanisme universel ». Il essaie d’associer cette tradition néocantienne avec les demandes du mouvement démoticiste pour le tournant vers la réalité néohellénique moderne et les principes de l’École du travail. L’idéal de l’humanisme repose sur l’éducation nationale de chaque pays car l’existence de l’homme prend ses racines à la réalité moderne physique, sociale et nationale. En conséquence, l’école peut former seulement si elle repose sur le présent, la réalité moderne et ses problèmes. L’organe d’expression de la réalité néohellénique est la langue démotique. C’est avec cette langue et les autres éléments vivants et féconds de la civilisation moderne que l’individu et l’ensemble national vont progresser. Les programmes et la vie scolaire, les méthodes et l’organisation de l’enseignement doivent avoir ce même but. « Programme, méthode et vie scolaire, l’école en général et son système repose sur le maître. C’est à travers le maître que les élèves peuvent comprendre la valeur de la personnalité ».   

En conclusion, Delmouzos a exprimé, à son époque, les demandes pour une école bourgeoise basée sur la réalité néohellénique moderne, la langue démotique et les nouveaux principes pédagogiques et sociologiques.

 

BIBLIOGRAPHIE

Charitos, Ch. G. (1989). L’École Supérieure de Jeunes Filles de Volos. Vol. 1e. Athènes: ΙΑΕΝ, Secrétariat Général de la Nouvelle Génération. (En grec).   

Delmouzos, A. (1950). L’école cachée 1908-1911. Athènes: Ed. Institut Français. (En grec).   

Dimaras, Α. (20033). La réforme qui n’a pas eu lieu, vol. 2e: 1895-1967. Athènes: Ed. Hestia. (En grec).

Dimaras, A. (2003a). L’Éducation 1909-1922. Grands projets de modernisation et réactions. Histoire du Néo-hellénisme 1770-2000, vol. 6e (pp 163-178). Athènes: Ed. Lettres Helléniques. (En grec).   

Dimaras, A. (2003b). Éducation 1922-1940. Les nouvelles réformes venizélistes, Histoire du Néo-hellénisme 1770-2000, vol. 7e (pp 197-210). Athènes: Ed. Lettres Helléniques. (En grec).

Fragoudaki, Α. (19864). Réforme éducative et intellectuels libéraux. Luttes sans résultats positifs et impasses idéologiques à la période de l’entre-deux-guerres. Athènes: Ed. Kedros. (En grec). 

Glinos D. & Kougeas S. (1927). Les livres scolaires grecs pendant et après la Grande Guerre. Enquête sur les livres scolaires d’après guerre (pp 117-200). Paris: Centre européen de la dotation Garnegie.

Noutsos, Ch. (1990). Histoire de l’éducation et idéologie. Aspects de l’entre-deux-guerres. Athènes: Ed. Politis. (En grec).

Noutsos, B. (1991). Delmouzos Alexandre. Papyros Larouche-Britannica, vol. 20, (pp 54-55). Athènes: Ed. Papyros. (En grec). 

Noutsos, Ch. (2011). Rose et Clio. Méthode et idéologie à l’histoire de l’éducation. Athènes: Ed. Vivliorama. (En grec).   

Papanoutsos, Ε.P. (19842). Α. Delmouzos. Sa vie. Choix de son oeuvre. Athènes: Fondation Culturelle de la Banque Nationale. (En grec).   

Terzis, N. (1983). La demande du Démoticisme éducatif pour la réforme de l’éducation. Une approche sociologique. http://dspace.lib.uom.gr/bitstream/2159/3850/1/terzis_p73-p92_1985.pdf. Consulté le 21 avril 2012.

Tsoukalas, C. (19875). Dépendance et reproduction. Le rôle social des appareils scolaires en Grèce. Athènes: Ed. Themelio. (En grec).

Venturas E. & Koulouri Ch. (1993). Les manuels solaires dans l’état grec 1834-1937. Histoire de l’éducation, Vol. 58: Manuels scolaires. États et sociétés XIXe - XXe siècles, (pp 9-26). http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1993_num_58_1_2657. Consulté le 20 avril 2012.



[1] Dès le commencement du 19e siècle, en Grèce prédomine le système archaïque ou classique, c’est-à-dire le retour à la Grèce antique et la renaissance de la langue ancienne. On abandonne donc la langue moderne qui s’est développée d’une façon « physiologique » dans la bouche du peuple par une transformation lente du grec ancien et on crée la langue dite « catharévoussa » (pure) qui se rapproche à la langue antique. Celle-ci devient la langue officielle de l’état et par conséquent de l’enseignement. Alors, à partir de la première classe du primaire, l’école assume la tâche de transformer le grec parlé en grec archaïque. Certes, cette tentative affaiblit l’œuvre de l’école primaire au point de vue éducatif et aboutit à l’insuccès. Ce défaut est reconnu vers la fin du 19e siècle par tous les esprits libéraux d’autant plus que l’existence d’une littérature « puriste » (écrite en catharévoussa) s’est relevée à l’expérience impossible. Au début du 20e siècle la « question de la langue » s’inscrit dans les conflits politiques et idéologiques entre les conservateurs soutenant la catharévoussa et les progressistes soutenant la langue démotique (Glinos & Kougeas, 1927:160-161).  

[2] A la fin du 19e siècle, le système éducatif grec est caractérisé par le centralisme, la domination des matières classiques, le mépris pour la réalité moderne (langue, histoire, société, nature), la science et la technique, l’autoritarisme et l’absence de formation professionnelle. De même, la physionomie de l’université avec ses quatre facultés (Théologie, Droit, Lettres, Médicine) prouve l’orientation classiciste et théorique de l’enseignement dans son ensemble. Il est à noter que les branches de mathématiques et de physique constituent des sections de la Faculté des Lettres jusqu’en 1904. Mais, l’organisation et l’orientation de l’enseignement public satisfait de moins à moins et, durant les dernières décennies du 19e siècle, le besoin de réformes devient de plus en plus évident dans la société grecque (Tsoukalas, 19875: 556-557).

[3] Elle est fondée en mai 1910 par les partisans du « Démoticisme éducatif » dans le but de créer une école primaire expérimentale à Athènes et contribuer à la réforme de l’éducation par l’introduction de l’enseignement de la langue démotique, le changement des programmes, des méthodes et des manuels scolaires. Pour diffuser ses idées, l’association utilise plusieurs moyens tels que l’organisation des conférences, la publication des articles à la presse, l’édition des livres et de son organe officiel Bulletin de l’Association pour l’enseignement. Elle va jouer un rôle principal à la réforme de l’éducation dans l’entre-deux-guerres en Grèce. Delmouzos est un de ses membres fondateurs et participe activement à ses activités presque jusqu’en 1920. En 1911, il présente ses principes pédagogiques et sa méthode de travail à l’école de Volos dans le Bulletin (Dimaras, 2003a: 168-169).

[4] La réforme de 1917-20 prend des mesures pour l’amélioration de la formation pédagogique et de la situation économique des enseignants du primaire, la décentralisation et l’amélioration de l’administration des écoles, la suppression de l’enseignement du grec ancien à l’école primaire, l’introduction de l’enseignement de la langue démotique dans les quatre premières classes et son enseignement parallèle avec la catharévoussa dans les deux dernières classes du primaire. De nouveaux manuels scolaires sont imprimés parmi lesquels les fameux livres de lecture Abécédaire avec le soleil de Delmouzos et Les hautes montagnes de Z. Papantoniou. Ils sont rédigés en langue démotique et expriment une pédagogie avant-gardiste et une idéologie différente de celle qui dominait jusqu’alors à l’école primaire. Cette idéologie repose sur le rationalisme bourgeois qui prône des valeurs telles que l’instruction, la science, l’obéissance à la loi, la solidarité sociale, l’esprit collectif. Avec le récit vivant, l’illustration originale, le manque de didactisme et le moralisme ils suscitent l’intérêt des élèves et ont un bon accueil par les enseignants (Fragoudaki, 19864: 35-43).

[5] Ils procèdent à la réintroduction de l’enseignement de la langue démotique à toutes les classes de l’école primaire, à la rénovation de la formation des enseignants du primaire, à l’application de la loi de 1920 pour la fondation de l’Académie Pédagogique et à la transformation de l’école normale d’enseignement primaire « Marasleios » en école normale expérimentale (Noutsos, 1999: 46).

[6] Elle est fondée en 1920 mais ouvre ses portes 1924. Son but est de former, dans un cycle d’études de deux ans, les diplômés de l’université pour devenir professeurs dans des écoles normales d’enseignement primaire reformées. Les étudiants de l’Académie font leurs stages dans l’école normale expérimentale « Marasleios » tandis que les étudiants de Marasleios s’exercent dans son école primaire expérimentale dirigée par le démoticiste dynamique M. Papamavros (Dimaras, 2003b: 200-201).

[7] Apres avoir examiné l'affaire des « événements de Marasleios », il déclare dans son arrêt de 1926: « L’affaire des événements de l’école normale Marasleios appartient au conflit connu des deux idéologies pour la question de la langue. L’initiation de l’enseignement et de l’usage de la langue démotique à Marasleios et à l’Académie Pédagogique constitue la pierre de scandale. Tout le reste, c’est-à-dire les accusations pour des actions antireligieuses, antipatriotiques et immorales étaient des moyens d’attaque contre l’ennemi principal qui est la langue démotique et sont utilisées parce qu’il était connu que notamment celles–ci attireraient l’attention de la société grecque tout entière » (Dimaras, 20033: 147).

 

Δεν υπάρχουν σχόλια:

Δημοσίευση σχολίου